La belle Lisa entra derrière lui dans cette nuit épaisse. Là, elle le trouva tout à coup au milieu de ses jupes ; elle crut qu’elle s’était trop avancée contre lui, elle se recula ; et elle riait, elle disait :
— Si tu t’imagines que je vais les voir, tes bêtes, dans ce four-là.
Il ne répondit pas tout de suite ; puis, il balbutia qu’il y avait toujours une bougie dans la resserre. Mais il n’en finissait plus, il ne pouvait trouver le trou de la serrure. Comme elle l’aidait, elle sentit une haleine chaude sur son cou. Quand il eut ouvert enfin la porte et allumé la bougie, elle le vit si frissonnant, qu’elle s’écria :
— Grand bêta ! Peut-on se mettre dans un état pareil, parce qu’une porte ne veut pas s’ouvrir ! Tu es une demoiselle, avec tes gros poings.
Elle entra dans la resserre. Gavard avait loué deux compartiments, dont il avait fait un seul poulailler, en enlevant la cloison. Par terre, dans le fumier, les grosses bêtes, les oies, les dindons, les canards, pataugeaient ; en haut, sur les trois rangs des étagères, des boîtes plates à claire-voie contenaient des poules et des lapins. Le grillage de la resserre était tout poussiéreux, tendu de toiles d’araignée, à ce point qu’il semblait garni de stores gris ; l’urine des lapins rongeait les panneaux du bas ; la fiente de la volaille tachait les planches d’éclaboussures blanchâtres. Mais Lisa ne voulut pas désobliger Marjolin, en montrant davantage son dégoût. Elle fourra les doigts entre les barreaux des boîtes, pleurant sur le sort de ces malheureuses poules entassées qui ne pouvaient pas même se tenir debout. Elle caressa un canard accroupi dans un coin, la patte cassée, tandis que le jeune homme lui disait qu’on le tuerait le soir même, de peur qu’il ne mourût pendant la nuit.
— Mais, demanda-t-elle, comment font-ils pour manger ?
Alors il lui expliqua que la volaille ne veut pas manger sans lumière. Les marchands sont obligés d’allumer une bougie et d’attendre là, jusqu’à ce que les bêtes aient fini.
— Ça m’amuse, continua-t-il ; je les éclaire, pendant des heures. Il faut voir les coups de bec qu’ils donnent. Puis, lorsque je cache la bougie avec la main, ils restent tous le cou en l’air, comme si le soleil s’était couché… C’est qu’il est bien défendu de leur laisser la bougie et de s’en aller. Une marchande, la mère Palette, que vous connaissez, a failli tout brûler, l’autre jour ; une poule avait dû faire tomber la lumière dans la paille.
— Eh bien, dit Lisa, elle n’est pas gênée, la volaille, s’il faut lui allumer les lustres à chaque repas !
Cela le fit rire. Elle était sortie de la resserre, s’essuyant les pieds, remontant un peu sa robe, pour la garer des ordures. Lui, souffla la bougie, referma la porte. Elle eut peur de rentrer ainsi dans la nuit, à côté de ce grand garçon ; elle s’en alla en avant, pour ne pas le sentir de nouveau dans ses jupes. Quand il l’eut rejointe :
— Je suis contente tout de même d’avoir vu ça. Il y a, sous ces Halles, des choses qu’on ne soupçonnerait jamais. Je te remercie… Je vais remonter bien vite ; on ne doit plus savoir où je suis passée, à la boutique. Si monsieur Gavard revient, dis-lui que j’ai à lui parler tout de suite.
— Mais, dit Marjolin, il est sans doute aux pierres d’abattage… Nous pouvons voir, si vous voulez.
Elle ne répondit pas, oppressée par cet air tiède qui lui chauffait le visage. Elle était toute rose, et son corsage tendu, si mort d’ordinaire, prenait un frisson. Cela l’inquiéta, lui donna un malaise, d’entendre derrière elle le pas pressé de Marjolin, qui lui semblait comme haletant. Elle s’effaça, le laissa passer le premier. Le village, les ruelles noires dormaient toujours. Lisa s’aperçut que son compagnon prenait au plus long. Quand ils débouchèrent en face de la voie ferrée, il lui dit qu’il avait voulu lui montrer le chemin de fer ; et ils restèrent là un instant, regardant à travers les gros madriers de la palissade. Il offrit de lui faire visiter la voie. Elle refusa, en disant que ce n’était pas la peine, qu’elle voyait bien ce que c’était. Comme ils revenaient, ils trouvèrent la mère Palette devant sa resserre, ôtant les cordes d’un large panier carré, dans lequel on entendait un bruit furieux d’ailes et de pattes. Lorsqu’elle eut défait le dernier nœud, brusquement, de grands cous d’oie parurent, faisant ressort, soulevant le couvercle. Les oies s’échappèrent, effarouchées, la tête lancée en avant, avec des sifflements, des claquements de bec qui emplirent l’ombre de la cave d’une effroyable musique. Lisa ne put s’empêcher de rire, malgré les lamentations de la marchande de volailles, désespérée, jurant comme un charretier, ramenant par le cou deux oies qu’elle avait réussi à rattraper. Marjolin s’était mis à la poursuite d’une troisième oie. On l’entendit courir le long des rues, dépisté, s’amusant à cette chasse ; puis il y eut un bruit de bataille, tout au fond, et il revint, portant la bête. La mère Palette, une vieille femme jaune, la prit entre ses bras, la garda un moment sur son ventre, dans la pose de la Léda antique.
— Ah ! bien, dit-elle, si tu n’avais pas été là !… L’autre jour, je me suis battue avec une ; j’avais mon couteau, je lui ai coupé le cou.
Marjolin était tout essoufflé. Lorsqu’ils arrivèrent aux pierres d’abattage, dans la clarté plus vive du gaz, Lisa le vit en sueur, les yeux luisant d’une flamme qu’elle ne leur connaissait pas. D’ordinaire, il baissait les paupières devant elle, ainsi qu’une fille. Elle le trouva très bel homme comme ça, avec ses larges épaules, sa grande figure rose, dans les boucles de ses cheveux blonds. Elle le regardait si complaisamment, de cet air d’admiration sans danger qu’on peut témoigner aux garçons trop jeunes, qu’une fois encore il redevint timide.
— Tu vois bien que monsieur Gavard n’est pas là, dit-elle. Tu me fais perdre mon temps.
Alors, d’une voix rapide, il lui expliqua l’abattage, les cinq énormes bancs de pierre, s’allongeant du côté de la rue Rambuteau, sous la clarté jaune des soupiraux et des becs de gaz. Une femme saignait des poulets, à un bout ; ce qui l’amena à lui faire remarquer que la femme plumait la volaille presque vivante, parce que c’est plus facile. Puis, il voulut qu’elle prît des poignées de plumes sur les bancs de pierre, dans les tas énormes qui traînaient ; il lui disait qu’on les triait et qu’on les vendait, jusqu’à neuf sous la livre, selon la finesse. Elle dut aussi enfoncer la main au fond des grands paniers pleins de duvet. Il tourna ensuite les robinets des fontaines, placées à chaque pilier. Il ne tarissait pas en détails : le sang coulait le long des bancs, faisait des mares sur les dalles ; des cantonniers, toutes les deux heures, lavaient à grande eau, enlevaient avec des brosses rudes les taches rouges. Quand Lisa se pencha au-dessus de la bouche d’égout qui sert à l’écoulement, ce fut encore toute une histoire ; il raconta que, les jours d’orage, l’eau envahissait la cave par cette bouche ; une fois même, elle s’était élevée à trente centimètres, il avait fallu faire réfugier la volaille à l’autre extrémité de la cave, qui va en pente. Il riait encore du vacarme de ces bêtes effarouchées. Cependant, il avait fini, il ne trouvait plus rien, lorsqu’il se rappela le ventilateur. Il la mena tout au fond, lui fit lever les yeux, et elle aperçut l’intérieur d’une des tourelles d’angle, une sorte de large tuyau de dégagement, où l’air nauséabond des resserres montait.
Marjolin se tut, dans ce coin empesté par l’afflux des odeurs. C’était une rudesse alcaline de guano. Mais lui, semblait éveillé et fouetté. Ses narines battirent, il respira fortement, comme retrouvant des hardiesses d’appétit. Depuis un quart d’heure qu’il était dans le sous-sol avec la belle Lisa, ce fumet, cette chaleur de bêtes vivantes le grisait. Maintenant, il n’avait plus de timidité, il était plein du rut qui chauffait le fumier des poulaillers, sous la voûte écrasée, noire d’ombre.
— Allons, dit la belle Lisa, tu es un brave enfant, de m’avoir montré tout ça… Quand tu viendras à la charcuterie, je te donnerai quelque chose.
Elle lui avait pris le menton, comme elle faisait souvent, sans voir qu’il avait grandi. Elle était un peu émue, à la vérité ; émue par cette promenade sous terre, d’une émotion très douce, qu’elle aimait à goûter, en chose permise et ne tirant pas à conséquence. Elle oublia peut-être sa main un peu plus longtemps que de coutume, sous ce menton d’adolescent, si délicat à toucher. Alors, à cette caresse, lui, cédant à une poussée de l’instinct, s’assurant d’un regard oblique que personne n’était là, se ramassa, se jeta sur la belle Lisa, avec une force de taureau. Il l’avait prise par les épaules. Il la culbuta dans un grand panier de plumes, où elle tomba comme une masse, les jupes aux genoux. Et il allait la prendre à la taille, ainsi qu’il prenait Cadine, d’une brutalité d’animal qui vole et qui s’emplit, lorsque, sans crier, toute pâle de cette attaque brusque, elle sortit du panier d’un bond. Elle leva le bras, comme elle avait vu faire aux abattoirs, serra son poing de belle femme, assomma Marjolin d’un seul coup, entre les deux yeux. Il s’affaissa, sa tête se fendit contre l’angle d’une pierre d’abattage. À ce moment, un chant de coq, rauque et prolongé, monta des ténèbres.
La belle Lisa resta toute froide. Ses lèvres s’étaient pincées, sa gorge avait repris ces rondeurs muettes qui la faisaient ressembler à un ventre. Sur sa tête, elle entendait le sourd roulement des Halles. Par les soupiraux de la rue Rambuteau, dans le grand silence étouffé de la cave, tombaient les bruits du trottoir. Et elle pensait que ces gros bras seuls l’avaient sauvée. Elle secoua les quelques plumes collées à ses jupes. Puis, craignant d’être surprise, sans regarder Marjolin, elle s’en alla. Dans l’escalier, quand elle eut passé la grille, la clarté du plein jour lui fut un grand soulagement.
Elle rentra à la charcuterie, très calme, un peu pâle.
— Tu as été bien longtemps, dit Quenu.
— Je n’ai pas trouvé Gavard, je l’ai cherché partout, répondit-elle tranquillement. Nous mangerons notre gigot sans lui.
Elle fit emplir le pot de saindoux qu’elle trouva vide, coupa des côtelettes pour son amie madame Taboureau, qui lui avait envoyé sa petite bonne. Les coups de couperet qu’elle donna sur l’étau lui rappelèrent Marjolin, en bas, dans la cave. Mais elle ne se reprochait rien. Elle avait agi en femme honnête. Ce n’était pas pour ce gamin qu’elle irait compromettre sa paix ; elle était trop à l’aise, entre son mari et sa fille. Cependant, elle regarda Quenu ; il avait à la nuque une peau rude, une couenne rougeâtre, et son menton rasé était d’une rugosité de bois noueux ; tandis que la nuque et le menton de l’autre semblaient du velours rose. Il n’y fallait plus penser, elle ne le toucherait plus là, puisqu’il songeait à des choses impossibles. C’était un petit plaisir permis qu’elle regrettait, en se disant que les enfants grandissent vraiment trop vite.
Comme de légères flammes remontaient à ses joues, Quenu la trouva « diablement portante ». Il s’était assis un instant auprès d’elle dans le comptoir, il répétait :
— Tu devrais sortir plus souvent. Ça te fait du bien… Si tu veux, nous irons au théâtre, un de ces soirs, à la Gaîté, où madame Taboureau a vu cette pièce qui est si bien…
Lisa sourit, dit qu’on verrait ça. Puis, elle disparut de nouveau. Quenu pensa qu’elle était trop bonne de courir ainsi après cet animal de Gavard. Il ne l’avait pas vue prendre l’escalier. Elle venait de monter à la chambre de Florent, dont la clef restait accrochée à un clou de la cuisine. Elle espérait savoir quelque chose dans cette chambre, puisqu’elle ne comptait plus sur le marchand de volailles. Elle fit lentement le tour, examina le lit, la cheminée, les quatre coins. La fenêtre de la petite terrasse était ouverte, le grenadier en boutons baignait dans la poussière d’or du soleil couchant. Alors, il lui sembla que sa fille de boutique n’avait pas quitté cette pièce, qu’elle y avait encore couché la nuit précédente ; elle n’y sentait pas l’homme. Ce fut un étonnement, car elle s’attendait à trouver des caisses suspectes, des meubles à grosses serrures. Elle alla tâter la robe d’été d’Augustine, toujours pendue à la muraille. Puis, elle s’assit enfin devant la table, lisant une page commencée où le mot « révolution » revenait deux fois. Elle fut effrayée, ouvrit le tiroir, qu’elle vit plein de papiers. Mais son honnêteté se réveilla, en face de ce secret, si mal gardé par cette méchante table de bois blanc. Elle restait penchée au-dessus des papiers, essayant de comprendre sans toucher, très émue, lorsque le chant aigu du pinson, dont un rayon oblique frappait la cage, la fit tressaillir. Elle repoussa le tiroir. C’était très mal ce qu’elle allait faire là.
Comme elle s’oubliait, près de la fenêtre, à se dire qu’elle devait prendre conseil de l’abbé Roustan, un homme sage, elle aperçut, en bas, sur le carreau des Halles, un rassemblement autour d’une civière. La nuit tombait ; mais elle reconnut parfaitement Cadine qui pleurait, au milieu du groupe ; tandis que Florent et Claude, les pieds blancs de poussière, causaient vivement, au bord du trottoir. Elle se hâta de descendre, surprise de leur retour. Elle était à peine au comptoir, que mademoiselle Saget entra, en disant :
— C’est ce garnement de Marjolin qu’on vient de trouver dans la cave, avec la tête fendue… Vous ne venez pas voir, madame Quenu ?
Elle traversa la chaussée pour voir Marjolin. Le jeune homme était étendu, très pâle, les yeux fermés, avec une mèche de ses cheveux blonds roidie et souillée de sang. Dans le groupe, on disait que ce ne serait rien, que c’était sa faute aussi, à ce gamin, qu’il faisait les cent coups dans les caves ; on supposait qu’il avait voulu sauter par-dessus une des tables d’abattage, un de ses jeux favoris, et qu’il était tombé le front contre la pierre. Mademoiselle Saget murmurait en montrant Cadine qui pleurait :
— Ça doit être cette gueuse qui l’a poussé. Ils sont toujours ensemble dans les coins.
Marjolin, ranimé par la fraîcheur de la rue, ouvrit de grands yeux étonnés. Il examina tout le monde ; puis, ayant rencontré le visage de Lisa penché sur lui, il lui sourit doucement, d’un air humble, avec une caresse de soumission. Il semblait ne plus se souvenir. Lisa, tranquillisée, dit qu’il fallait le transporter tout de suite à l’hospice ; elle irait le voir, elle lui porterait des oranges et des biscuits. La tête de Marjolin était retombée. Quand on emporta la civière, Cadine la suivit, ayant au cou son éventaire, ses bouquets de violettes piqués dans une pelouse de mousse, et sur lesquels roulaient ses larmes chaudes, sans qu’elle songeât le moins du monde aux fleurs qu’elle brûlait ainsi de son gros chagrin.
Comme Lisa rentrait à la charcuterie, elle entendit Claude qui serrait la main de Florent et le quittait, en murmurant :
— Ah ! le sacré gamin ! Il me gâte ma journée… Nous nous étions crânement amusés, tout de même !
Claude et Florent, en effet, revenaient harassés et heureux. Ils rapportaient une bonne senteur de plein air. Ce matin-là, avant le jour, madame François avait déjà vendu ses légumes. Ils allèrent tous trois chercher la voiture, rue Montorgueil, au Compas d’or. Ce fut comme un avant-goût de la campagne, en plein Paris. Derrière le restaurant Philippe, dont les boiseries dorées montent jusqu’au premier étage, se trouve une cour de ferme, noire et vivante, grasse de l’odeur de la paille fraîche et du crottin chaud ; des bandes de poules fouillent du bec la terre molle ; des constructions en bois verdi, des escaliers, des galeries, des toitures crevées, s’adossent aux vieilles maisons voisines ; et, au fond, sous un hangar à grosse charpente, Balthazar attendait, tout attelé, mangeant son avoine dans un sac attaché au licou. Il descendit la rue Montorgueil au petit trot, l’air satisfait de retourner si vite à Nanterre. Mais il ne repartait pas à vide. La maraîchère avait un marché passé avec la compagnie chargée du nettoyage des Halles ; elle emportait, deux fois par semaine, une charretée de feuilles, prises à la fourche dans les tas d’ordures qui encombrent le carreau. C’était un excellent fumier. En quelques minutes, la voiture déborda. Claude et Florent s’allongèrent sur ce lit épais de verdure ; madame François prit les guides, et Balthazar s’en alla de son allure lente, la tête un peu basse d’avoir tant de monde à traîner.
Florent et Claude sur la charrette de la Mère François
La partie était projetée depuis longtemps. La maraîchère riait d’aise ; elle aimait les deux hommes, elle leur promettait une omelette au lard comme on n’en mange pas dans « ce gredin de Paris ». Eux, goûtaient la jouissance de cette journée de paresse et de flânerie dont le soleil se levait à peine. Au loin, Nanterre était une joie pure dans laquelle ils allaient entrer.
— Vous êtes bien, au moins ? demanda madame François en prenant la rue du Pont-Neuf.
Claude jura que « c’était doux comme un matelas de mariée ». Couchés tous les deux sur le dos, les mains croisées sous la tête, ils regardaient le ciel pâle, où les étoiles s’éteignaient. Tout le long de la rue de Rivoli, ils gardèrent le silence, attendant de ne plus voir de maisons, écoutant la digne femme qui causait avec Balthazar, en lui disant doucement :
— Prends-le à ton aise, va, mon vieux… Nous ne sommes pas pressés, nous arriverons toujours…
Aux Champs-Élysées, comme le peintre n’apercevait plus des deux côtés que des têtes d’arbres, avec la grande masse verte du jardin des Tuileries, au fond, il eut un réveil, il se mit à parler, tout seul. En passant devant la rue du Roule, il avait regardé ce portail latéral de Saint-Eustache, qu’on voit de loin, par-dessus le hangar géant d’une rue couverte des Halles. Il y revenait sans cesse, voulait y trouver un symbole.
— C’est une curieuse rencontre, disait-il, ce bout d’église encadré sous cette avenue de fonte… Ceci tuera cela, le fer tuera la pierre, et les temps sont proches… Est-ce que vous croyez au hasard, vous, Florent ? Je m’imagine que le besoin de l’alignement n’a pas seul mis de cette façon une rosace de Saint-Eustache au beau milieu des Halles centrales. Voyez-vous, il y a là tout un manifeste : c’est l’art moderne, le réalisme, le naturalisme, comme vous voudrez l’appeler, qui a grandi en face de l’art ancien… Vous n’êtes pas de cet avis ?
Florent gardant le silence, il continua :
— Cette église est d’une architecture bâtarde, d’ailleurs ; le Moyen Âge y agonise, et la Renaissance y balbutie… Avez-vous remarqué quelles églises on nous bâtit aujourd’hui ? Ça ressemble à tout ce qu’on veut, à des bibliothèques, à des observatoires, à des pigeonniers, à des casernes ; mais, sûrement, personne n’est convaincu que le bon Dieu demeure là-dedans. Les maçons du bon Dieu sont morts, la grande sagesse serait de ne plus construire ces laides carcasses de pierre, où nous n’avons personne à loger… Depuis le commencement du siècle, on n’a bâti qu’un seul monument original, un monument qui ne soit copié nulle part, qui ait poussé naturellement dans le sol de l’époque ; et ce sont les Halles centrales, entendez-vous, Florent, une œuvre crâne, allez, et qui n’est encore qu’une révélation timide du vingtième siècle… C’est pourquoi Saint-Eustache est enfoncé, parbleu ! Saint-Eustache est là-bas avec sa rosace, vide de son peuple dévot, tandis que les Halles s’élargissent à côté, toutes bourdonnantes de vie… Voilà ce que je vois, mon brave !
— Ah bien ! dit en riant madame François, savez-vous, monsieur Claude, que la femme qui vous a coupé le filet n’a pas volé ses cinq sous ? Balthazar tend les oreilles pour vous écouter… Hue donc, Balthazar !
La voiture montait lentement. À cette heure matinale, l’avenue était déserte, avec ses chaises de fonte alignées sur les deux trottoirs, et ses pelouses, coupées de massifs, qui s’enfonçaient sous le bleuissement des arbres. Au rond-point, un cavalier et une amazone passèrent au petit trot. Florent, qui s’était fait un oreiller d’un paquet de feuilles de choux, regardait toujours le ciel, où s’allumait une grande lueur rose. Par moments, il fermait les yeux pour mieux sentir la fraîcheur du matin lui couler sur la face, si heureux de s’éloigner des Halles, d’aller dans l’air pur, qu’il restait sans voix, n’écoutant même pas ce qu’on disait autour de lui.
— Ils sont encore bons ceux qui mettent l’art dans une boîte à joujoux ! reprit Claude au bout d’un silence. C’est leur grand mot : on ne fait pas de l’art avec la science, l’industrie tue la poésie ; et tous les imbéciles se mettent à pleurer sur les fleurs, comme si quelqu’un songeait à se mal conduire à l’égard des fleurs… Je suis agacé, à la fin, positivement. J’ai des envies de répondre à ces pleurnicheries par des œuvres de défi. Ça m’amuserait de révolter un peu ces braves gens… Voulez-vous que je vous dise quelle a été ma plus belle œuvre, depuis que je travaille, celle dont le souvenir me satisfait le plus ? C’est toute une histoire… L’année dernière, la veille de la Noël, comme je me trouvais chez ma tante Lisa, le garçon de la charcuterie, Auguste, cet idiot, vous savez, était en train de faire l’étalage. Ah ! le misérable ! Il me poussa à bout par la façon molle dont il composait son ensemble. Je le priai de s’ôter de là, en lui disant que j’allais lui peindre ça, un peu proprement. Vous comprenez, j’avais tous les tons vigoureux, le rouge des langues fourrées, le jaune des jambonneaux, le bleu des rognures de papier, le rose des pièces entamées, le vert des feuilles de bruyère, surtout le noir des boudins, un noir superbe que je n’ai jamais pu retrouver sur ma palette. Naturellement, la crépine, les saucisses, les andouilles, les pieds de cochon panés, me donnaient des gris d’une grande finesse. Alors je fis une véritable œuvre d’art. Je pris les plats, les assiettes, les terrines, les bocaux ; je posai les tons, je dressai une nature morte étonnante, où éclataient des pétards de couleur, soutenus par des gammes savantes. Les langues rouges s’allongeaient avec des gourmandises de flamme, et les boudins noirs, dans le chant clair des saucisses, mettaient les ténèbres d’une indigestion formidable. J’avais peint, n’est-ce pas ? la gloutonnerie du réveillon, l’heure de minuit donnée à la mangeaille, la goinfrerie des estomacs vidés par les cantiques. En haut, une grande dinde montrait sa poitrine blanche, marbrée, sous la peau, des taches noires des truffes. C’était barbare et superbe, quelque chose comme un ventre aperçu dans une gloire, mais avec une cruauté de touche, un emportement de raillerie tels que la foule s’attroupa devant la vitrine, inquiétée par cet étalage qui flambait si rudement… Quand ma tante Lisa revint de la cuisine, elle eut peur, s’imaginant que j’avais mis le feu aux graisses de la boutique. La dinde, surtout, lui parut si indécente qu’elle me flanqua à la porte, pendant qu’Auguste rétablissait les choses, étalant sa bêtise. Jamais ces brutes ne comprendront le langage d’une tache rouge mise à côté d’une tache grise… N’importe, c’est mon chef-d’œuvre. Je n’ai jamais rien fait de mieux.
Il se tut, souriant, recueilli dans ce souvenir. La voiture était arrivée à l’Arc de triomphe. De grands souffles, sur ce sommet, venaient des avenues ouvertes autour de l’immense place. Florent se mit sur son séant, aspira fortement ces premières odeurs d’herbe qui montaient des fortifications. Il se tourna, ne regarda plus Paris, voulut voir la campagne, au loin. À la hauteur de la rue de Longchamp, madame François lui montra l’endroit où elle l’avait ramassé. Cela le rendit tout songeur. Et il la contemplait, si saine et si calme, les bras un peu tendus, tenant les guides. Elle était plus belle que Lisa, avec son mouchoir au front, son teint rude, son air de bonté brusque. Quand elle jetait un léger claquement de langue, Balthazar, dressant les oreilles, allongeait le pas sur le pavé.
En arrivant à Nanterre, la voiture prit à gauche, entra dans une ruelle étroite, longea des murailles et vint s’arrêter tout au fond d’une impasse. C’était au bout du monde, comme disait la maraîchère. Il fallut décharger les feuilles de choux. Claude et Florent ne voulurent pas que le garçon jardinier, occupé à planter des salades, se dérangeât. Ils s’armèrent chacun d’une fourche pour jeter le tas dans le trou au fumier. Cela les amusa. Claude avait une amitié pour le fumier. Les épluchures des légumes, les boues des Halles, les ordures tombées de cette table gigantesque, restaient vivantes, revenaient où les légumes avaient poussé, pour tenir chaud à d’autres générations de choux, de navets, de carottes. Elles repoussaient en fruits superbes, elles retournaient s’étaler sur le carreau. Paris pourrissait tout, rendait tout à la terre qui, sans jamais se lasser, réparait la mort.
— Tenez, dit Claude en donnant son dernier coup de fourche, voilà un trognon de choux que je reconnais. C’est au moins la dixième fois qu’il pousse dans ce coin, là-bas, près de l’abricotier.
Ce mot fit rire Florent. Mais il devint grave, il se promena lentement dans le potager, pendant que Claude faisait une esquisse de l’écurie, et que madame François préparait le déjeuner. Le potager formait une longue bande de terrain, séparée au milieu par une allée étroite. Il montait un peu ; et, tout en haut, en levant la tête, on apercevait les casernes basses du mont Valérien. Des haies vives le séparaient d’autres pièces de terre ; ces murs d’aubépines, très élevés, bornaient l’horizon d’un rideau vert ; si bien que, de tout le pays environnant, on aurait dit que le mont Valérien seul se dressât curieusement pour regarder dans le clos de madame François. Une grande paix venait de cette campagne qu’on ne voyait pas. Entre les quatre haies, le long du potager, le soleil de mai avait comme une pâmoison de tiédeur, un silence plein d’un bourdonnement d’insectes, une somnolence d’enfantement heureux. À certains craquements, à certains soupirs légers, il semblait qu’on entendît naître et pousser les légumes. Les carrés d’épinards et d’oseille, les bandes de radis, de navets, de carottes, les grands plants de pommes de terre et de choux, étalaient leurs nappes régulières, leur terreau noir, verdi par les panaches des feuilles. Plus loin, les rigoles de salades, les oignons, les poireaux, les céleris, alignés, plantés au cordeau, semblaient des soldats de plomb à la parade ; tandis que les petits pois et les haricots commençaient à enrouler leur mince tige dans la forêt d’échalas, qu’ils devaient, en juin, changer en bois touffu. Pas une mauvaise herbe ne traînait. On aurait pris le potager pour deux tapis parallèles aux dessins réguliers, vert sur fond rougeâtre, qu’on brossait soigneusement chaque matin. Des bordures de thym mettaient des franges grises aux deux côtés de l’allée.
Florent allait et venait, dans l’odeur du thym que le soleil chauffait. Il était profondément heureux de la paix et de la propreté de la terre. Depuis près d’un an, il ne connaissait les légumes que meurtris par les cahots des tombereaux, arrachés de la veille, saignants encore. Il se réjouissait, à les trouver là chez eux, tranquilles dans le terreau, bien portants de tous leurs membres. Les choux avaient une large figure de prospérité, les carottes étaient gaies, les salades s’en allaient à la file avec des nonchalances de fainéantes. Alors, les Halles, qu’il avait laissées le matin, lui parurent un vaste ossuaire, un lieu de mort où ne traînait que le cadavre des êtres, un charnier de puanteur et de décomposition. Et il ralentissait le pas, et il se reposait dans le potager de madame François, comme d’une longue marche au milieu de bruits assourdissants et de senteurs infectes. Le tapage, l’humidité nauséabonde du pavillon de la marée s’en allaient de lui ; il renaissait à l’air pur. Claude avait raison, tout agonisait aux Halles. La terre était la vie, l’éternel berceau, la santé du monde.
— L’omelette est prête ! cria la maraîchère.
Lorsqu’ils furent attablés tous trois dans la cuisine, la porte ouverte au soleil, ils mangèrent si gaiement, que madame François émerveillée regardait Florent, en répétant à chaque bouchée :
— Vous n’êtes plus le même, vous avez dix ans de moins. C’est ce gueux de Paris qui vous noircit la mine comme ça. Il me semble que vous avez un coup de soleil dans les yeux, maintenant… Voyez-vous, ça ne vaut rien les grandes villes ; vous devriez venir demeurer ici.
Claude riait, disait que Paris était superbe. Il en défendait jusqu’aux ruisseaux, tout en gardant une bonne tendresse pour la campagne. L’après-midi, madame François et Florent se trouvèrent seuls au bout du potager, dans un coin du terrain planté de quelques arbres fruitiers. Ils s’étaient assis par terre, ils causaient raisonnablement. Elle le conseillait avec une grande amitié, à la fois maternelle et tendre. Elle lui fit mille questions sur sa vie, sur ce qu’il comptait devenir plus tard, s’offrant à lui simplement, s’il avait un jour besoin d’elle pour son bonheur. Lui, se sentait très touché. Jamais une femme ne lui avait parlé de la sorte. Elle lui faisait l’effet d’une plante saine et robuste, grandie ainsi que les légumes dans le terreau du potager ; tandis qu’il se souvenait des Lisa, des Normandes, des belles filles des Halles, comme de chairs suspectes, parées à l’étalage. Il respira là quelques heures de bien-être absolu, délivré des odeurs de nourriture au milieu desquelles il s’affolait, renaissant dans la sève de la campagne, pareil à ce chou que Claude prétendait avoir vu pousser plus de dix fois.
Vers cinq heures, ils prirent congé de madame François. Ils voulaient revenir à pied. La maraîchère les accompagna jusqu’au bout de la ruelle, et gardant un instant la main de Florent dans la sienne :
— Venez, si vous avez jamais quelque chagrin, dit-elle doucement.
Pendant un quart d’heure, Florent marcha sans parler, assombri déjà, se disant qu’il laissait sa santé derrière lui. La route de Courbevoie était blanche de poussière. Ils aimaient tous deux les grandes courses, les gros souliers sonnant sur la terre dure. De petites fumées montaient derrière leurs talons, à chaque pas. Le soleil oblique prenait l’avenue en écharpe, allongeait leurs deux ombres en travers de la chaussée, si démesurément que leurs têtes allaient jusqu’à l’autre bord, filant sur le trottoir opposé.
Claude, les bras ballants, faisant de grandes enjambées régulières, regardait complaisamment les deux ombres, heureux et perdu dans le cadencement de la marche, qu’il exagérait encore en le marquant des épaules. Puis, comme sortant d’une songerie :
— Est-ce que vous connaissez la bataille des Gras et des Maigres ? demanda-t-il.
Florent, surpris, dit que non. Alors Claude s’enthousiasma, parla de cette série d’estampes avec beaucoup d’éloges. Il cita certains épisodes : les Gras, énormes à crever, préparant la goinfrerie du soir, tandis que les Maigres, pliés par le jeûne, regardent de la rue avec la mine d’échalas envieux ; et encore les Gras, à table, les joues débordantes, chassant un Maigre qui a eu l’audace de s’introduire humblement, et qui ressemble à une quille au milieu d’un peuple de boules. Il voyait là tout le drame humain ; il finit par classer les hommes en Maigres et en Gras, en deux groupes hostiles dont l’un dévore l’autre, s’arrondit le ventre et jouit.
— Pour sûr, dit-il, Caïn était un Gras et Abel un Maigre. Depuis le premier meurtre, ce sont toujours les grosses faims qui ont sucé le sang des petits mangeurs… C’est une continuelle ripaille, du plus faible au plus fort, chacun avalant son voisin et se trouvant avalé à son tour… Voyez-vous, mon brave, défiez-vous des Gras.
Il se tut un instant, suivant toujours des yeux leurs deux ombres que le soleil couchant allongeait davantage. Et il murmura :
— Nous sommes des Maigres, nous autres, vous comprenez… Dites-moi si, avec des ventres plats comme les nôtres, on tient beaucoup de place au soleil.
Florent regarda les deux ombres en souriant. Mais Claude se fâchait. Il criait :
— Vous avez tort de trouver ça drôle. Moi, je souffre d’être un Maigre. Si j’étais un Gras, je peindrais tranquillement, j’aurais un bel atelier, je vendrais mes tableaux au poids de l’or. Au lieu de ça, je suis un Maigre, je veux dire que je m’extermine le tempérament à vouloir trouver des machines qui font hausser les épaules des Gras. J’en mourrai, c’est sûr, la peau collée aux os, si plat qu’on pourra me mettre entre deux feuillets d’un livre pour m’enterrer… Et vous donc ! Vous êtes un Maigre surprenant, le roi des Maigres, ma parole d’honneur. Vous vous rappelez votre querelle avec les poissonnières ; c’était superbe, ces gorges géantes lâchées contre votre poitrine étroite ; et elles agissaient d’instinct, elles chassaient au Maigre, comme les chattes chassent aux souris… En principe, vous entendez, un Gras a l’horreur d’un Maigre, si bien qu’il éprouve le besoin de l’ôter de sa vue, à coups de dents, ou à coups de pied. C’est pourquoi, à votre place, je prendrais mes précautions. Les Quenu sont des Gras, les Méhudin sont des Gras, enfin vous n’avez que des Gras autour de vous. Moi, ça m’inquiéterait.
— Et Gavard, et mademoiselle Saget, et votre ami Marjolin ? demanda Florent, qui continuait à sourire.
— Oh ! si vous voulez, répondit Claude, je vais vous classer toutes nos connaissances. Il y a longtemps que j’ai leurs têtes dans un carton, à mon atelier, avec l’indication de l’ordre auquel elles appartiennent. C’est tout un chapitre d’histoire naturelle… Gavard est un Gras, mais un Gras qui pose pour le Maigre. La variété est assez commune… Mademoiselle Saget et madame Lecœur sont des Maigres ; d’ailleurs, variétés très à craindre, Maigres désespérés, capables de tout pour engraisser… Mon ami Marjolin, la petite Cadine, la Sarriette, trois Gras, innocents encore, n’ayant que les faims aimables de la jeunesse. Il est à remarquer que le Gras, tant qu’il n’a pas vieilli, est un être charmant… Monsieur Lebigre, un Gras, n’est-ce pas ? Quant à vos amis politiques, ce sont généralement des Maigres, Charvet, Clémence, Logre, Lacaille. Je ne fais une exception que pour cette grosse bête et pour le prodigieux Robine. Celui-ci m’a donné bien du mal.
Le peintre continua sur ce ton, du pont de Neuilly à l’Arc de triomphe. Il revenait, achevait certains portraits d’un trait caractéristique : Logre était un Maigre qui avait son ventre entre les deux épaules ; la belle Lisa était tout en ventre, et la belle Normande, tout en poitrine ; mademoiselle Saget avait certainement laissé échapper dans sa vie une occasion d’engraisser, car elle détestait les Gras, tout en gardant un dédain pour les Maigres ; Gavard compromettait sa graisse, il finirait plat comme une punaise.
— Et madame François ? dit Florent.
Claude fut très embarrassé par cette question. Il chercha, balbutia :
— Madame François, madame François… Non, je ne sais pas, je n’ai jamais songé à la classer… C’est une brave femme, madame François, voilà tout. Elle n’est ni dans les Gras ni dans les Maigres, parbleu !
Ils rirent tous les deux. Ils se trouvaient en face de l’Arc de triomphe. Le soleil, au ras des coteaux de Suresnes, était si bas sur l’horizon que leurs ombres colossales tachaient la blancheur du monument, très haut, plus haut que les statues énormes des groupes, de deux barres noires, pareilles à deux traits faits au fusain. Claude s’égaya davantage, fit aller les bras, se plia ; puis, en s’en allant :
— Avez-vous vu ? Quand le soleil s’est couché, nos deux têtes sont allées toucher le ciel.
Mais Florent ne riait plus. Paris le reprenait, Paris qui l’effrayait maintenant, après lui avoir coûté tant de larmes, à Cayenne. Lorsqu’il arriva aux Halles, la nuit tombait, les odeurs était suffocantes. Il baissa la tête, en rentrant dans son cauchemar de nourritures gigantesques, avec le souvenir doux et triste de cette journée de santé claire, toute parfumée de thym.